Rocktrotteur était fin juillet à Malestroit (56) pour la 21ème édition d’Au Pont Du Rock. A l’initiative de l’association Aux Arts Etc..., le festival sympatico-écolo en vie depuis plus de 20 ans n’a pas pris un pépin de melon malgré une affluence record de 15ooo festivaliers cette année, et c’est dans un cadre chaleureux et sans prise de tête que l’on est accueillis. L’affiche, de qualité plus ou moins hétérogène, offre tout de même un petit paquet de valeurs sûres, images à l’appui.

Portés à bout de bras par un flan médiatique digne des plus grands chefs, Lily Wood and The Prick, 1ère « tête d’affiche » des festivités, sont chaudement reçus par un public juvénile bien décidé à fredonner leur plus grands airs. Oui, et des airs, c’est pas ça qui manque! En effet (et Dieu sait qu’elle en abuse), Lily n’y va pas avec le dos de la main morte. J’ai très vite l’impression d’assister à l’élaboration d’une mayonnaise à l’envers: de la sauce à la coquille. Comme si tout le processus créatif du groupe était fait dans ce sens: on balance 2 ou 3 riffs, on pousse des lignes de voyelles interminables dessus puis on bride le tout pour faire un tube facile car les oeufs ne montent pas. Les musiciens sont pourtant présents et captivants lors des tant attendues pauses vocales, le timbre intéressant lors des accélérations de beats où le flow de Lily frôle le hip-hop ou la soul. Pour le reste, ça retombe très vite, ça ne prend pas de risques, ça se bride et les décors (plumes de volatiles colorées, figurations de keytars et autres « je vous kiffe la Bretagne ») laisseront suffisament d’espace vide pour permettre à l’ennui de faire comme chez lui. Un concert jeune dont on oubliera vite les stigmates dans l’ombre de Moriarty qui talonne la joyeuse bande de très près sur la scène d’en face.

Apparus hyper relax mais aussi très fatigués en conférence de presse quelques heures plus tôt, Moriarty s’apprête une nouvelle fois à emmener nos cerveaux prendre l’air, loin, très loin. L’invitation au voyage est claire, petit espace scénique très intimiste où le groupe évoluera pendant plus d’une heure, entouré de nombreuses valises rétro. Ambiance tamisée. Rosemary entre en scène, couverte jusqu’au cou pour mieux se dénuder au fur et à mesure du périple. La magie opère instantanément. C’est une descente en douceur, bercée par la contrebasse, vers un metissage que l’on connaît bien maintenant. Le domptage de la fosse s’annonce difficile et le son de qualité médiocre mais les couleurs, le parfum, l’unité et la générosité du groupe apprivoiseront jusqu’au plus robuste des Bretons, souvent rebelle à l’écoute. Le théâtre de Moriarty s’ouvre en grand sur l’horizon, sur un univers assumé et jusqu’au boutiste, pour conter toujours, en toute liberté et surtout en toute humilité. On sent que le groupe se connaît bien, que la scène est rodée mais que le plaisir et la créativité sont toujours bien en place, même après une tournée de plus de 300 concerts en à peine 2 ans. Des rhapsodes modernes en quelque sorte, à l’empreinte marquante, inspirés et inspirants, Missing Room donnant naissance à un projet théâtral une nouvelle fois en collaboration avec Marc Lainé, joué début octobre notamment à La Ferme Du Buisson.

Le « rock français ». Cette appellation renvoie bien trop souvent à un âge ringard, dépassé, la frontière avec la variété étant si mince. C’était sans compter sur la performance de Mademoiselle K ce soir, qui fait tout simplement ce qu’on appelle de la musique. Et elle fait ça plutôt bien. Mes oreilles, trop souvent hostiles à la langue française dans le rock se sont juste tapé une orgie. Des textes intelligents, humains, un humour lyrical et scénique, une prestance et un amour de la musique flagrant. C’est ça Mademoiselle K et putain, ça fait du bien car jusque là ça se faisait rare! Contre toute attente, on assiste à une performance débridée, aux solos lancinants, ça circule, c’est surprenant, pleins de variations. Une osmose communicative, une envie en constante progression depuis ses premiers pas sur scène, et ça se sent. Si les albums studios peuvent paraître un peu sages, sur scène la personnalité du groupe explose et sort des carcans bien trop souvent imposés par l’industrie discographique.
Sans conteste mon leitmotiv de la journée est Selah Sue, la bombe du week-end. A l’écoute de l’album, une de mes claques de l’année, on ne peut pas s’empêcher de fantasmer sur le live. Alors on y va molo parce que ces derniers temps on a essuyé des déceptions. Pas le temps de penser, dès l’intro, on sait qu’on va kiffer. Dans les starting blocks, Selah Sue arrive comme une balle, nous attrape par le col pour jamais nous laisser retomber. On est dans le ton au bout de 3 minutes, superbe cover de Lost Ones, vitrine avec vue imprenable sur la multiplicité des talents de la jeune belge. Déjà séduits par son timbre et sa technique sur le studio, on reste quand même bouche bée face à la maîtrise des rythmes, contre-temps, netteté des prises vocales, multi personnalités de la palette Selah Sue aux influences incontestables. Car si elle avoue être inspirée par Lauryn Hill, Nneka ou encore Leela James, on sent que sa créativité n’a pas de limite et qu’elle a été le témoin de bien des familles musicales. En gros, elle fait sa tambouille et ça a un goût de reviens-y. En plus d’être fraîche et plutôt pas mal, Selah Sue est propre (y’a qu’à voir le professionnalisme du show), sympa et bavarde. On devine l’ouverture de son horizon musical sur le prochain opus, ainsi qu’un désir d’électro dub step. En conférence elle nous parle même d’un certain James Blake. Après Pharell, MIAM!
Pas grand’chose à dire sur le live de The Do si ce n’est qu’une fois de plus, c’était un grand moment de musique. Plusieurs mois se sont écoulés depuis la sortie de Both Ways Open Jaws et la très réussie « release performance » au Trianon, l’album a tourné, la maîtrise des tracks en live est à leur quasi apogée. Du génie musical qui fait ses preuves aussi bien dans l’ambiance intime d’une petite salle parisienne que sur les pelouses ravagées par la tornade bretonne. BRAVO LA FRANCE!
Pour finir quelques photos :
WINSTON MC ANUFF:
PHILIPPE KATERINE :
CATHERINE RINGER :